Déclaration de Libreville

Adoptée à Libreville le 15 décembre 2022

Le soleil s’est levé à Libreville pour l’humanité, pour le vivant, pour les sociétés africaines contemporaines et pour l’humanité. Des chercheurs jeunes et moins jeunes, des hommes et femmes, venus de 3 continents (Afrique, Amérique, Europe), de 16 pays (Belgique, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Canada, France, Congo, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, RdC, Sénégal, Haïti,) ont, quatre jours durant, soupesé l’état des connaissances en sciences humaines et sociales, en particulier de celles relatives à l’Afrique. Ils ont ressenti le besoin d’un profond renouvellement, aux confins d’une refondation des manières de comprendre et d’imaginer, qui s’est imposé à tous.

Unir, associer, faire dialoguer de façon critique les traditions millénaires et contemporaines de penser, dans les domaines des savoirs, des disciplines, des méthodes, etc., pour désormais développer les promesses d’une nouvelle expérience de la connaissance enfin vraiment partagée. Pour le meilleur de l’humanité, élément d’une écologie du vivant.

Nous, participants au Premier congrès international du Programme thématique « Langues, Sociétés, Cultures et Civilisations, du CAMES (PTR-LSCC/CAMES), tenu à Libreville au Gabon du 11 au 17 décembre 2022 sur le thème « Les Sciences Humaines et Sociales face aux défis de l’Afrique : Épistémologies, Savoirs et Pratiques »,

DECLARONS :

Considérant les problèmes criants auxquels fait face le monde contemporain et auxquels l’ordre dominant des connaissances aujourd’hui échoue à apporter des résultats tangibles et équitables pour toutes les populations du monde : menaces environnementales, surarmement du monde, crises géopolitiques et stratégiques, prédation des ressources naturelles, crises civilisationnelles et idéologiques, recul de l’État de droit et explosion des inégalités sociales de toute nature, extrémismes, racisme, intolérance, radicalismes et essentialismes qui prônent la peur et le rejet de l’Autre.

Considérant que les constructions du savoir, n’étant pas imperméables aux problèmes géopolitiques et aux rapports de forces divers, sont la source de plusieurs maux de la connaissance occidentale ; ces mots sont producteurs de positions coloniales ou de surplomb de certains ordres savants et de certains discours disciplinaires faisant obstacle au dialogue constructif et à la collaboration nécessaire inhérente à une production de connaissance mondiale sous le signe de la pluralité culturelle.

1. L’importance cruciale du soutien à des valeurs autres que celle d’une justice émergeant de la concurrence sur le marché ou que celles d’un « bien » ou d’un « utile » réductibles à l’efficience économique.

2. L’urgence de l’engagement de la communauté mondiale de l’enseignement et de la recherche pour de telles valeurs alternatives, nécessaires au tournant immédiat vers la protection de l’environnement et la réalisation durable de la paix et la justice planétaire.

3. L’importance de la création et de la pérennisation d’espaces d’enseignement et de recherche autres que ceux de la production par disciplines, autonomes par rapport aux structures institutionnelles qui font obstacle à la nécessité complémentaire du « mélange » de ce que les réflexes disciplinaires séparent; l’importance de la fertilisation croisée des différentes cultures savantes, nécessaire à l’effort collectif de résolution de problèmes humains et sociaux.

4. La nécessité et l’urgence d’un enseignement formant à la collaboration entre savoirs endogènes de continents différents, entre épistémologies du Nord et du Sud, entre cultures savantes différemment « situées » au plan culturel (discipline, ethnie, nation, langue, genre, etc.) dans la poursuite d’objectifs communs; la nécessité d’une formation au dialogue interculturel bien compris marqué par l’absence de surplomb colonial de l’une des parties sur l’autre.

5. L’importance de l’invention d’un rapport nouveau à la connaissance, intégrateur des développements philosophiques récents, rompant à la racine avec les scientismes et les trop faciles prétentions d’universalité occidentalo-centrées, condition urgente de l’avènement d’une égale potentialité en dignité savante des savoirs endogènes de toutes les cultures et de tous les continents.

Pour toutes ces raisons, nous recommandons enfin :

– La mise en œuvre urgente dans nos institutions d’enseignement et de recherche de formations et de projets de recherche interdisciplinaires financés et orientés vers la résolution des problèmes et des défis de nos sociétés;

– L’intégration des communautés dites « non-savantes » à la production des savoirs;

– La mise en place des espaces de partage des travaux scientifiques pour le bénéfice des étudiants, des enseignants, des chercheurs et ouvert au grand public;

– La création de centres de recherche sur l’interdisciplinarité et l’interdisciplinarité arrimés sur un réseau de chercheurs nationaux et internationaux et à nos institutions d’enseignement et de recherche de nos pays, dont le premier à ériger à Libreville.

Parce que les sagesses anciennes nous enseignent que « c’est au bout de l’ancienne corde que l’on attache la nouvelle », nous appelons donc les autorités savantes, les États et les organisations internationales à soutenir les initiatives qui partagent ces constats et soutiennent ces valeurs.

Fait à Libreville, ce 15 décembre 2022

La Coordinatrice du PTR du CAMES Le Président du Comité d’Organisation

« Langues, sociétés, civilisations et cultures »

Professeur Aimée-Danielle KOFFI LEZOU                                                Professeur Samuel MBADINGA

Ce contenu a été mis à jour le 28 mars 2023 à 21 h 44 min.